Prenons ces phénomènes à contre-courant et découvrons ensemble un mouvement littéraire farfelu, truculent et encore tapi dans l’ombre. Il est temps de dépoussiérer l’Ouvroir de littérature potentielle. Faisons la lumière sur ce groupe de recherche aux ambitions surprenantes.
L’Oulipo se dévoile en toute singularité
Créé au début des années 60 par Raymond Queneau et François le Lionnais, l’Oulipo tend à explorer les possibilités offertes par la langue française. Ecrivains, mathématiciens et passionnés, les Oulipiens ont tout simplement l’audace de s’aventurer aux confins même de la langue française. Ce groupe international s’impose des contraintes littéraires assez surprenantes. Leur activité est décrite comme celle d’un «rat qui construit lui-même le labyrinthe dont il se propose de sortir». Raymond Queneau expliquera qu’il s’agit de la «recherche de formes, de structures nouvelles et qui pourront être utilisées par les écrivains de la façon qui leur plaira».
Sésame, ouvre-toi!
Créer des limites pour repousser des frontières insoupçonnées: l’écriture sous contrainte est un exercice de haute volée qui requiert une imagination et une concentration des plus intenses. Parmi toutes ces contraintes, retenons celle de la traduction antonymique. Le principe est simple: il suffit de remplacer les mots importants par leurs antonymes. Georges Pérec traduit ainsi la première phrase célèbre qui ouvre le récit du roman A la recherche du temps perdu. «Longtemps je me suis couché de bonne heure» devient alors «Une fois, l’autre fit la grasse matinée». Le génie de l’auteur atteindra son paroxysme avec La disparition, un roman de quelque 300 pages dans lequel la lettre «e» s’est entièrement évaporée. Incroyable, non?
L’Oulipo est une source d’inspiration qui nous enseigne une chose: il n’est de limites que celles que l’on s’impose soi-même.
Image via Flickr: OuLiPo Escalier 2010/2011 – Bibliothèque des Champs Libres (CC BY-SA 2.0)